Les regards croisés : Florence Lipsky, Architecte gérante, Lipsky + Rollet

Les regards croisés : Florence Lipsky, Architecte gérante, Lipsky + Rollet

En regard croisé avec Myriam Tryjefaczka (MT), Directrice Développement Durable et Affaires Publiques chez Tarkett, Florence Lipsky architecte gérante de l’agence Lipsky+ Rollet se confie sur les questions environnementales actuelles.
 

Agence Lipsky+Rollet architectes

Depuis sa création, l’agence développe une architecture centrée autour de la construction éco-responsable et de la ville envisagée comme un écosystème. Elle fonctionne comme plateforme de R&D en architecture intégrant l’expérimentation comme outil de conception. Cette expérimentation porte sur l’utilisation de matériaux et de systèmes techniques innovants aussi bien que sur des dispositifs spatiaux visant à augmenter les performances énergétiques et le confort des bâtiments.

L’agence a reçu le Prix de l’Équerre d’Argent en 2005 pour la Bibliothèque Universitaire du campus d’Orléans et plusieurs prix dans le domaine de l’innovation.

Elle est investie dans la conception de lieux culturels et industriels à forts enjeux économiques, conçus à partir du concept de « bâtiment-outil ».

Elle se consacre à la conception de l’habitat, à l’aménagement des territoires universitaires et à la réalisation de bâtiments dédiés à l’enseignement et à la recherche à partir de la notion de milieu de vie.

LIPSKY + ROLLET ARCHITECTES et plusieurs agences d’architecture ont créé une version française du mouvement international "Architects Declare" et lancé une pétition engageant la profession à agir face aux deux crises du changement climatique et de la perte de biodiversité.

Madame, vous êtes une experte reconnue des questions environnementales dans le bâtiment. Quelle est votre vision de l’économie circulaire ? 

La notion d’économie circulaire est médiatisée - donc de ce fait un peu banalisée - depuis la période du Grenelle de l’environnement en 2007. Pourtant elle renvoie à une vision de la société radicale, celle de la décroissance, et à la frugalité heureuse. Elle relève donc de questions éthiques et philosophiques. 
Dans la pratique architecturale, elle reste encore une revendication plus qu’une réalité. De manière générale, il y a une montée en puissance pour faire mieux, mais qui reste à la marge, car l’économie circulaire génère une mise à plat du mode de pensée et de produire du XXème siècle.

L’enjeu pour faire évoluer le processus architectural, porte sur l’anticipation des actions à mener (gestion des ressources) de la part des intervenants. Par exemple, la prise en compte du traitement des déchets. Puis il y a l’échelle industrielle, et la fabrication d’un produit. Là, l’objectif est de ne plus fabriquer de manière linéaire, mais bien d’enclencher un cycle vertueux des composants, ce qui remet sur la sellette l’ensemble du système économique et politique. 


Voyez-vous des changements/évolutions sensibles dans les demandes sur l’économie circulaire de la part de vos clients ? 

Depuis quelques années, ce que l’on constate de la part de nos clients, privés comme publics, est plutôt une sensibilité à l’économie circulaire, à partir de la notion de coût global.

Le client dépasse la vision à court terme de sa dépense, en intégrant la maintenance et l’entretien dans la construction d’un bâtiment.

Néanmoins, ce n’est pas directement de l’économie circulaire, au sens d’un produit qui serait issue d’un recyclage ou d’une démarche particulière qui cible le choix des matériaux à partir de leur cycle de vie. Lorsque l’approche est volontariste de la part du maître d’ouvrage, alors les limites viennent souvent des industriels et de leur rapport au temps pour répondre à la demande opérationnelle. Il y a parfois un décalage entre le déroulement d’une opération immobilière et le temps pour produire par exemple, un verre recyclé issu d’une filière de production.
 

Quels sont les défis / freins à lever pour réussir la transition vers l’économie circulaire entre labels et loi économie circulaire (lois Economie circulaire, label E+C-, RE etc…) ?

Si l’on en vient au second-œuvre et par exemple aux revêtements de sol en PVC, la part d’origine fossile demeure le frein majeur à la transition écologique. La nature des colles dans les assemblages de matériaux est encore un frein. 
Le label reste un incitateur, une motivation pour bien faire, c’est une récompense. Dans l’absolu, il n’y a pas besoin de labellisation.

Comment rentrer dans une économie circulaire peut-elle selon vous permettre de réduire l’empreinte carbone des bâtiments en complément des mesures d’efficacité énergétique ?

L’économie circulaire -dans l’architecture- est une chaîne, dans laquelle chaque étape compte et chaque acteur doit passer le relai à son voisin dans les meilleures conditions. Il est donc facile de perdre des points en route, ou de casser la chaîne. Il faut être avec zéro défaut dans la phase de diagnostic, comme dans la phase de conception.

Quels sont pour vous les labels/certifications/déclarations environnementaux les plus demandés ou fiables sur l’éco circulaire / empreinte carbone ?

Je crois que vous fonctionnez avec Cradle to Cradle. Mais un architecte n’a pas de préférence, on est dans la validité de la démarche.

Qu’attendez-vous d’un fabricant de matériaux et de produits de construction dans un projet circulaire ?

En premier, on compte sur le fabricant afin qu’il soit techniquement précis dans sa transmission d’informations (les fiches FDES, fiches de déclaration environnementale et sanitaire), et sur les dernières innovations. Ensuite, on a besoin d’engagement sur les composants des produits  afin de mener à bien notre travail d’investigation. Enfin, on a besoin de forte réactivité, et que la chaîne de production soit en capacité de tenir les délais et les quantités demandées.
 

Pour nos revêtements de sol en PVC conçus selon les principes Cradle to Cradle (comme tous les produits Tarkett), ne contenant pas de phtalate et recyclables à l’infini, nous avons mis en place des MHS (Material Health Statement) réalisées par l’EPEA un organisme indépendant pour apporter plus de transparence (analyse de risque du matériau dans son contexte d’utilisation) et qui donne la qualité sanitaire de nos matériaux. Est-ce que cet outil pourrait-vous intéresser ?

Oui tout à fait pour la prescription c’est très intéressant !

Nous avons mis en place un programme de collecte et de recyclage des revêtements de sol (ReStart®), est-ce que un tel programme devient un critère de choix pour la sélection des produits? Est-ce que c’est une demande forte de vos clients ? Ou est-ce une conviction personnelle pour faire bouger les lignes ? 

Oui c’est toujours une démarche positive, car elle facilite et accompagne le rôle de conseil et de prescripteurs des architectes auprès des maîtres d’ouvrage. Pour l’instant, cela demeure une conviction personnelle dans la majorité des cas.

Dernière question d’actualité : en quoi le Covid selon vous va-t-il impacter l’économie circulaire dans le bâtiment dans les prochains mois/années ? 

Je ne ferai pas trop rapidement un lien direct entre économie circulaire et crise microbienne. Mais,

il y a une évolution du niveau d’hygiène qui s’est imposée de fait, avec le COVID, et cela a une implication sur notre rapport corps/espace/objet manufacturé. On peut imaginer que la désinfection des espaces ne va plus être limitée au milieu hospitalier. Il faut éviter d’aller vers plus de complexité mais comme pour l’acoustique, les attentes règlementaires risquent d’être renforcées sur les produits, en prenant plus en compte la santé des hommes comme une priorité.  
 

Matériaux de qualité Tarkett